Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

IA générative et droits d’auteur : que doivent savoir les entreprises ?

Depuis l’arrivée des outils comme ChatGPT, Midjourney ou encore Firefly, l’IA générative s’est imposée comme un véritable game-changer dans le quotidien des entreprises. Rédaction automatisée, créations visuelles à la demande, génération de code informatique… Tout semble possible en quelques secondes. Mais si la technologie fascine, elle soulève aussi des questions juridiques épineuses, notamment autour du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle.

Alors, qui détient vraiment les droits sur un texte ou une image produits par une IA ? Peut-on librement utiliser ces contenus ? Quelles précautions une entreprise doit-elle prendre pour ne pas s’exposer à un risque juridique ?

Dans cet article, on décrypte les enjeux, les zones de flou et les bonnes pratiques à adopter pour exploiter sereinement l’IA générative au travail.

Une création générée par IA est-elle protégée par le droit d’auteur ?

Première règle à retenir : en droit français et européen, seul un humain peut être titulaire d’un droit d’auteur. C’est inscrit noir sur blanc dans le Code de la propriété intellectuelle (article L111-1) : l’auteur doit être une personne physique.

  • Concrètement, une image ou un texte généré uniquement par une IA, sans intervention humaine significative, ne peut pas être protégé.
  • En revanche, si un collaborateur guide la machine (via des prompts détaillés, des retouches, une sélection créative), alors son apport personnel peut suffire pour revendiquer une protection.

Exemple :

  • Vous tapez simplement “un coucher de soleil sur la mer” → pas de protection.
  • Vous ajustez le prompt, affinez les couleurs, retravaillez le visuel dans Photoshop → protection possible car l’empreinte humaine est démontrée.

Les tribunaux ont déjà commencé à se positionner. En 2023, un tribunal de Prague a refusé d’accorder un droit d’auteur à une image générée par DALL·E, faute d’intervention humaine suffisante. Mais à Pékin, un tribunal a reconnu la qualité d’auteur à un utilisateur qui avait largement paramétré son image IA. Résultat : un flou juridique international qu’il faut surveiller.

L’entraînement des IA : une bombe à retardement juridique

Autre sujet brûlant : les IA génératives sont entraînées sur des milliards de données, souvent extraites du web. Ces ensembles incluent parfois des contenus protégés : photos, articles, musiques, logos, codes open source…

Problème : les ayants droit n’ont pas toujours donné leur accord. Plusieurs actions en justice sont déjà en cours, notamment contre Stability AI et OpenAI, accusés d’avoir utilisé sans autorisation des œuvres protégées pour alimenter leurs modèles.

Que dit la loi ?

  • En Europe, une directive de 2019 autorise la fouille de textes et de données (Text & Data Mining), mais avec nuances :
    • Obligatoire pour la recherche scientifique publique (les auteurs ne peuvent pas s’y opposer).
    • Facultative pour les usages commerciaux : les auteurs peuvent faire opt-out (refus explicite).

Sauf que beaucoup d’éditeurs, artistes ou photographes n’ont pas eu le temps ni les moyens de s’opposer. Résultat : un terrain miné pour les entreprises qui exploitent des outputs IA.

Œuvres dérivées, retouches et variantes : attention à la contrefaçon

Imaginons : une agence marketing utilise la photo d’un photographe pour en créer des variantes IA (changement de décor, retouches, remix visuel). C’est possible techniquement… mais juridiquement, cela s’appelle une œuvre dérivée.

  • Toute œuvre dérivée nécessite l’autorisation expresse de l’auteur initial.
  • Même si vous aviez acheté des droits de diffusion, vous n’avez pas forcément le droit de transformer l’œuvre sans accord.

Exemple concret : un photographe alsacien (Studio Chlorophylle) explique dans son blog que générer des variantes IA à partir de ses clichés sans autorisation revient à violer son droit moral.

Moralité pour les entreprises : toujours vérifier la portée des droits cédés par contrat.

Les risques concrets pour une entreprise

Pour une PME ou une startup, l’utilisation d’IA générative sans précaution peut entraîner :

  • Atteinte au droit d’auteur : contrefaçon, condamnations financières, retrait forcé des campagnes.
  • Atteinte à la vie privée / RGPD : si des données personnelles ou sensibles sont utilisées comme inputs (ex : mails, contrats).
  • Biais et discriminations : outputs reflétant les préjugés des données d’entraînement.
  • Contentieux collectif : multiplication des class actions, comme celles lancées aux États-Unis par des développeurs ou des artistes.

Bref, le risque n’est pas théorique. Il est déjà là.

Comment limiter les risques ? Les bonnes pratiques à mettre en place

Heureusement, il existe des mesures simples et efficaces pour utiliser l’IA générative de façon responsable.

Choisir les bons outils

  • Favoriser les solutions qui garantissent l’origine de leurs données (ex. Adobe Firefly, entraîné sur contenus sous licence).
  • Vérifier si le fournisseur propose une indemnité PI en cas de litige (Adobe, Microsoft, Google ont déjà pris position).

Encadrer les contrats

  • Clauses claires sur la titularité des outputs.
  • Obligation de ne pas entraîner sur vos données sans autorisation.
  • Engagement de transparence sur les datasets.

Documenter les usages

  • Conserver les prompts, versions intermédiaires et retouches pour prouver l’apport humain.
  • Mettre en place une “checklist PI” avant publication : plagiat, marques, ressemblances avec des œuvres existantes.

Former les équipes

  • Sensibiliser aux risques (pas d’infos confidentielles dans les prompts !).
  • Expliquer les notions d’œuvre dérivée, d’opt-out, et les limites de protection des contenus IA.

Dès 2026, l’IA Act européen imposera :

  • Plus de transparence sur les données d’entraînement.
  • Une documentation obligatoire pour les fournisseurs d’IA.
  • Des mécanismes renforcés pour protéger les ayants droit.

C’est une avancée majeure, mais d’ici là, les entreprises doivent rester vigilantes et adopter une gouvernance interne de l’IA.

Conclusion : l’IA générative, oui… mais avec prudence

L’IA générative ouvre un champ d’opportunités incroyable pour les entreprises : productivité, créativité, gain de temps. Mais son utilisation soulève encore trop de zones grises juridiques pour être employée sans cadre.

Pour une organisation, la clé est de combiner :

  • un choix rigoureux des outils,
  • des contrats solides,
  • une traçabilité des usages,
  • et une culture interne de vigilance.

En clair : l’IA générative est une formidable alliée, à condition d’être apprivoisée avec intelligence… et un bon juriste à vos côtés !